Comment la pornographie influence votre vie sexuelle ?

Dans cet article, je n’aborderai pas la question de la morale et de la prostitution liée à l’industrie du sexe, bien que ce soit une des conséquences de la consommation de films pornographiques.

Commençons par un peu de statistiques afin d’avoir une idée des tendances en matière de consommation de films pornographiques, en se basant sur l’étude IFOP réalisée pour Marc Dorcel en 2009.

  • 89% des français ont déjà eu l’occasion de voir un film porno
  • 97% des hommes déclarent en avoir déjà vu partiellement ou dans leur intégralité contre 83% pour les femmes
  • 64% des hommes en consomment occasionnellement contre 29% pour les femmes
  • 38% des personnes interrogées ont vu pour la première fois un film porno entre 15 et 19 ans. Avec la télévision et internet, l’accès à la pornographie est facile et gratuit.

La pornographie fait donc partie de nos vies sexuelles, de notre culture depuis le plus jeune âge, de façon plus ou moins taboue et cachée. Elle est même bien souvent le premier contact que nous avons avec la sexualité, et la seule vision des rapports homme/femme que nous avons.

En quoi ce qu’on appelle la « Porn Culture » interroge-t-elle nos sexualités ? Comment les images pornographiques influencent-elles nos vies sexuelles (et nos relations) ?

Quelle définition de la sexualité la pornographie propose-t-elle ?

Un film porno en règle générale c’est :

  • peu de dialogues
  • une mise en scène centrée sur l’acte sexuel et la pénétration
  • un rapport sexuel relativement violent et mécanique
  • une mise en avant du plaisir masculin et un plaisir féminin minimisé ou caricaturé (oh ah oh ah ouhiii)
  • des situations et positions sexuelles qui mettent très souvent en avant la domination de l’homme sur la femme.

Comme l’excitation des hommes passe souvent par le visuel, les films pornos sont généralement réalisés pour stimuler les désirs masculins. Je dirais plutôt que ces films soit disant faits « par des hommes pour des hommes » sont des films faits par l’industrie du cinéma qui veut vendre et qui fait croire aux hommes que le sexe se passe ainsi et pas autrement. Ils disent « Regarder, le sexe c’est ça ! ». Bonne nouvelle : on a le droit de s’en étonner et de dire « Ah bon, c’est ça le sexe ? » en remettant en question ce qui nous est proposé.

C’est ce qu’ont tenté de faire certaines réalisatrices de films pornos. Le film porno au féminin, c’est:

  • pas de gros plan sur les sexes,
  • beaucoup de dialogue
  • scénario plus travaillé
  • jolie lumière, jolis décors rouge avec des draps en satin,
  • cadrage et ambiance soignée

Certains diront que ce n’est plus du porno (pas assez crus, trop de dialogue) et d’autres diront que si, dans la mesure où on filme quand même des gens faire l’amour mais sous un autre angle de vue. Ici aussi la mise en avant d’un visionnage genré me dérange. Encore une fois, on nous dit : « Pour les femmes le sexe, c’est ça ! ». Ah bon ?

Face à ces définitions de ce qu’est le sexe, de ce qui « se pratique », pourquoi ne pas définir par nous-même ce qu’est notre sexualité ? L’étonnement et la découverte devraient être les maitre mots de la sexualité.

Quel est l’impact du visionnage fréquent des films porno  sur vos pratiques sexuelles ?

Dans cette vidéo James Marshall explique les effets de la pornographie sur la vie sexuelle des hommes, leur rapport à la séduction et leurs relations. Selon lui, une consommation de pornographie régulière dès le plus jeune âge a un impact physique et mental :

Sur votre corps et vos rapports :

  • Augmentation des problèmes fréquents d’érection lors d’un vrai rapport sexuel car votre corps est habitué à être stimulé et excité dans certaines positions qui sont différentes des positions adoptées lors d’un rapport.
  • Perte des sensations corporelles car le corps n’est pas habitué à être stimulé autrement que visuellement, ce qui se traduit par un manque d’investissement physique et émotionnel (dans l’acte sexuel. (Comment peut-on être physiquement non investit dans un acte sexuel ? Quand ça devient mécanique.)
  • Désensibilisation au toucher et à la vue d’un vrai corps (non refaite et avec défauts contrairement aux actrices des films X).
  • L’habitude d’éjaculer rapidement (5 à 10 minutes environ) or une femme a besoin en général d’environ une vingtaine de minutes en moyenne avec pénétration avant de jouir.
  • Perte de vos capacités à imaginer au profit de l’imitation de ce qui a été vu. Les images laissent très peu de place à l’imagination.
  • Développement d’un regard très critique sur votre sexe et ses capacités (taille de votre pénis, forme, performance, endurance en comparaison aux acteurs pornos)
  • Elle vous coupe de la réalité et s’introduit dans votre vie réelle : Par exemple lorsqu’une image porno apparaît dans votre esprit alors que vous faites l’amour avec une femme. La fréquence, la perte de contrôle et de plaisir sont des indicateurs de la dépendance à la pornographie.

Sur votre vision du sexe au féminin:

  • La femme des films X est la norme : plastie parfaite (=refaite et en volume XXL), talons aiguilles et string ficelle, épilation intégrale…
  • Les goûts et les pratiques de la femme des films X sont la norme : pénétration violente, soumission, éjaculation faciale, gorge profonde, cris de plaisir, insatiabilité…
  • Les femmes sont disposées à faire l’amour à chaque fois qu’une proposition masculine se présente. (Les hommes sont disposés à faire l’amour à chaque fois qu’un attribut féminin est dévoilé).
  • Le sexe implique un jeu de pouvoir systématique où la femme est soumise et l’homme dominant.

Il est important de se souvenir que la sexualité représentée dans les films X est fictive, figée et non reproductible. Cela demande une prise de distance et une prise de conscience de ce qu’est la pornographie : une mise en scène qui laisse de côté beaucoup d’aspects de la sexualité (intimité, complicité, partage, découverte, etc).

Dans une société où nous sommes bombardés d’images sexuelles, peut-on réellement prendre de la distance face à ce qui nous est présenté comme la norme afin d’aller vers une sexualité plus authentique et personnelle ?

Quand le public s’introduit dans la sphère privée

La découverte de la sexualité et de la vie sexuelle de chacun sont personnels et intimes, or nous sommes constamment bombardés d’images sexuelles. Le sexe est exposé voire standardisé.

La sexualité fait partie de notre vie intime et de ce fait il devrait y avoir autant de sexualités que d’individus. Tout comme il y a autant de sexualité que d’étapes de découverte et de connaissance de soi, que d’envie, que d’imaginaire possible dans la vie d’un individu.

Or la plupart de nos pratiques sexuelles sont normées. Vous pratiquez probablement plus ou moins les mêmes positions que votre voisin de pallier (oui dit comme ça c’est un peu flippant…) : fellation, missionnaire, levrette, cunnilingus. Vous respectez certains codes : épilation intégrale pour les femmes VS poilus pour les hommes. Même nos déviances sont codifiées. Il y a les déviances acceptables (sodomie, échangisme, SM…), celles qui sont moins acceptables (scatophilie….), et celles qui sont considérés comme perverses.

Tous ces codes sont véhiculés par les films porno mais pas seulement. L’industrie du sexe se retrouve dans la publicité, les magazines et la musique.

Toutes ces images contribuent à créer une sorte de « Mainstream Sexualité », qui oriente nos désirs sexuels et diffusent des codes quantitatifs et qualitatifs sur « qu’est ce qu’un bon coup ? », « qu’est ce qu’une sexualité normale ? »

Si on en croit Freud, notre manière de faire l’amour, nos fantasmes sont le produit de notre inconscient, donc ils disent quelque chose de nous. Dans une société où le sexe est tant normé, nos pratiques sexuelles disent quelque chose, non plus de nous, mais de notre société : culte du corps, de la jeunesse, du plaisir éphémère. Le sexe est le lieu de l’imagination or la pornographie court-circuite l’imagination, car il donne à voir, il impose une image à l’esprit. Voir du sexe est différent de parler de sexe et de le pratiquer.

Ce qui interroge notre liberté, à fantasmer, à s’exprimer, à se chercher, bref à avoir une réelle individualité sexuelle. Nous sommes finalement extrêmement conditionnés à avoir un certain type de vie sexuelle, un certain type de fantasmes et de plaisirs. Même dans l’intimité on est socialisé, on applique des normes, ce que la société voit comme normal, alors qu’on est dans la sphère privée ce qui est consenti, devrait pouvoir être exprimé et expérimenté.

Finalement, la pornographie et toutes les informations (codes et autres modes d’emploi sur la sexualité) auxquelles nous avons accès aujourd’hui, ne sonnent-elles pas le glas de la libération sexuelle ? A quel type de libération sexuelle avons-nous droit ? Une libération sexuelle qui réveillent des complexes, de l’autocensure et une intimité sexuelle bridée est-elle si libératrice ?

Comment peut-on sortir de ce conditionnement ? Comment amener la personne en face à sortir de ce conditionnement ?

Comment retrouver une sexualité plus authentique et naturelle ?

Cet étalage de sexe n’aide pas à lâcher prise, à exprimer réellement ses envies, et ce que l’on est durant l’acte sexuel. On ne fait pas rentrer l’autre dans notre monde sexuel avec tout ce que ce monde a de particulier pour nous ; au contraire on est dans UN monde sexuel, ce qu’il est supposé être.

Voici quelques pistes pour sortir de ce conditionnement et avoir une sexualité plus personnelle :

  • Essayer d’amener l’autre dans votre monde, vers votre vision du partage, de la sexualité au lieu de laisser s’appliquer des codes au lit (exemple : proposer, montrer, attiser la curiosité, imaginer VS faire ce que l’autre attend qu’on fasse, réagir comme l’autre attend qu’on réagisse…)
  • Partir à la découverte de ce qu’il y a d’instinctif dans la sexualité, dans une découverte de soi et de l’autre. Le sexe est un lieu où on peut se découvrir différemment, d’où l’importance de l’étonnement et de se laisser troubler. Ceci suppose la bienveillance de son/sa partenaire qui doit nous accompagner dans la découverte de notre sexualité.
  • Pratique de la masturbation seul ou à deux (sans images): permet d’explorer par soi-même, de se concentrer sur ses propres sensations corporelles et sexuelles et de stimuler son imagination en se créant ses propres images mentales.
  • Comprendre qu’on ne peut pas faire l’amour à toutes les femmes de la même manière (de la même manière qu’on ne peut pas sortir la même line à toutes les filles en espérant que ça marche).
  • Privilégier la spontanéité, l’adaptabilité, l’écoute, la sensibilité corporelle. La branche sexuelle du Tantra (croyance orientale), considère la sexualité comme une union sacrée, érotique et spirituelle. L’expérience tantrique suppose le développement d’un état corporel réceptif pour obtenir expériences sensorielles plus riches.
  • Développer une personnalité sexuelle et communiquer sur ce que vous aimez.
  • Remettre l’imagination et la complicité des partenaires au cœur des relations sexuelles

La pornographie propose une stimulation par l’image, une image travaillée et imposée au regard, qui expose dans le détail l’intimité de chacun et laisse très peu de place à l’imagination. Or le sexe est un lieu de partage et de rencontre puissant et sans fin, et c’est dommage qu’il soit bridé. Les tabous qui existent autour de la sexualité favorisent l’émergence de l’industrie pornographique, qui elle montre, en montrant elle impose. Donc communiquer sur le sexe et ses différents aspects est également un bon moyen de favoriser une sexualité plus libre et améliorer ses relations sexuelles.

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